Galerie Helene Trintignan

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Henri Goetz

Extraits du texte de Numa Hambursin écrit pour le catalogue publié par la galerie Hélène Trintignan à l'occasion du centenaire de la naissance d'Henri Goetz.

Lorsqu’Henri Goetz balaie en quelques pages, dans son autobiographie, l’histoire de ses parents et grand-parents, de son enfance new-yorkaise, de ses études d’ingénieur à Harvard, de ses hésitations de jeunesse, il fait preuve d’une distance amusée et critique, proche parfois de l’ironie. Son récit semble s’articuler autour du désir obsédant de quitter l’Amérique pour la France, devenue métaphore d’émancipation et de création. L’idée qu’une ambition artistique ne puisse s’épanouir qu’à la condition de quitter New-York apparaît paradoxale, tant cette ville est associée dans notre esprit aux grands mouvements de la seconde moitié du vingtième siècle. Mais un destin personnel ne se confond pas toujours avec une histoire collective.
Persuadé que son avenir est d’être portraitiste  et qu’on ne devient peintre qu’à Paris, n’ayant de notre langue que de brumeuses notions apprises au lycée, il embarque en 1930 sur un cargo. Direction Le Havre. Il découvre le vieux continent le 14 juillet. Dans une ambiance alcoolisée, scandaleuse, délicieuse.

De 1930 à 1935, Goetz partage son temps entre les bistrots de Montparnasse et l’Académie de la Grande Chaumière. Le jeune américain s’encanaille plus qu’il ne travaille. Emerveillé par l’étrange décor parisien, il se laisse bercer par une existence de bohême et par la fréquentation d’écrivains et d’artistes plus exotiques les uns que les autres. La rencontre de Victor Bauer lui permet d’envisager le freudisme, les idées de gauche, la sculpture primitive ou encore l’existence de peintres comme Matisse et Picasso dont il ignorait jusqu’au nom. Durant l’été 1935, il emménage rue Daguerre dans l’atelier voisin de celui d’Hartung, qui devient alors son ami le plus proche. C’est en septembre de la même année que Christine Boumeester entre dans sa vie. De cinq ans son aînée, elle l’aborde dans l’atelier de la Grande Chaumière. « Ma peinture, qui se voulait moderne, m’avait conduit à peindre mon modèle tout en jaune, ce qui avait incité Christine à me demander une explication quant à cette démarche insolite. Malgré ma timidité, je réussis à la faire venir dans mon atelier. » écrira Goetz près de cinquante plus tard . Ils décident très rapidement de se marier, sans même songer à prévenir leurs parents et amis. On ne rappellera jamais assez la passion qu’il eut pour cette femme et l’admiration que lui suscita l’artiste.1936 et 1937 constituent deux années charnières dans la carrière de Goetz. Malgré les sarcasmes d’Hartung, il se rapproche du groupe surréaliste.

 

Christine Boumeester, “Portrait de Henri Goetz”, fusain sur papier, 51 cm x 40 cm, 1936

Deux poètes, Marie Lowe et Juan Bréa, lui présentent Oscar Dominguez. Celui-ci enseigne aux Goetz l’art de réaliser de faux-papiers . Ce qui n’était au départ qu’un jeu, un exercice de style, déterminera leur activité dans la Résistance. Dopé par la fréquentation de Miro, de Calder, de Marcel Duchamp, de Benjamin Péret, de Raoul Ubac ou de Peggy Guggenheim, Henri Goetz abandonne sa manière expressionniste pour composer ses premières véritables toiles surréalistes. L’animosité est alors très grande entre peintres abstraits et disciples de Breton. Le jeune américain, dont les amis sont également répartis entre les deux camps, est tenté de jouer l’équilibriste. Sans doute a-t-il eu un temps la naïveté de penser son œuvre comme la réconciliation – voire l’impossible synthèse – des deux mouvements.

C’est à travers ce prisme qu’il faut comprendre les raisons du conflit qui, au delà des problèmes de tempérament, l’opposa à Breton. Ce dernier n’était pas insensible au travail de Goetz. Il lui reste associé pour avoir inventé le terme de « Chefs-d’œuvre corrigés » à propos des reproductions en couleur de tableaux de maîtres retouchées à la peinture à l’œuf. Ces papiers, qui illustraient en quelque sorte le principe cher aux surréalistes d’art collectif, devaient être exposés au musée de Rotterdam à l’automne 1939. La guerre sonna le glas du projet.

Chaque week-end les Goetz partent visiter, en compagnie de Roberta et Julio Gonzalez, les environs de Paris, grâce à un spectaculaire vélo-car fabriqué par Henri . Leur curiosité les conduit à voyager le plus souvent possible. La guerre les surprend ainsi en Dordogne tandis qu’ils s’adonnent à des fouilles sur des sites préhistoriques . Elle disperse pour longtemps, parfois définitivement, le petit groupe d’amis. La plaisanterie touche à sa fin. Débutent pour le couple Goetz-Boumeester cinq années de résistance, de privations et d’errance.

Il ne saurait être question ici de s’attarder sur le détail des aventures vécues par Christine et Henri durant la guerre. Les faits, compliqués, sont racontés avec précision dans « Ma vie, mes amis ». Dans un souci d’exhaustivité qui tranche avec la retenue habituelle de Goetz lorsqu’il est question de sa propre histoire. La guerre le marqua profondément et conditionna son avenir, dans ses relations sociales et ses comportements quotidiens . S’il ne cherchait pas à dissimuler son courageux comportement , il n’en fit jamais étalage, persuadé que cela conduisait les gens à regarder sa peinture pour de mauvaises raisons. L’intention était louable, mais on ne peut que regretter l’inutile pudeur.

S’ils rejoignent provisoirement le groupe surréaliste belge établi à Carcassonne autour de Magritte et Ubac, les Goetz ont tôt fait de remonter sur Paris où commencent leurs activités clandestines. Installés rue Notre-Dame-des-champs, équipés d’une imprimerie artisanale, ils rédigent avec Dotremont tracts et affiches contre l’occupant nazi. Goetz nous fait partager la technique pour placarder ces dernières sur les murs de Paris en toute discrétion : « Jouant aux amoureux, j’embrassais Christine pendant qu’à l’aide d’un pot de colle dans la poche de mon veston, je posais l’affiche ». Ils fabriquent surtout des centaines de faux-papiers pour des juifs, des résistants ou encore des artistes menacés, et fondent avec Dotremont et Ubac « La main à plume », première publication surréaliste à paraître sous l’Occupation. Lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis, les Goetz sont contraints de quitter leur atelier et de vivoter dans de petits hôtels parisiens sous une fausse identité. Georges Hugnet, en les employant pour illustrer certaines de ses éditions, leur permet de gagner les maigres revenus nécessaires à leur survie . Malheureusement, l’ampleur de leur fabrique de faux-papiers finit par les trahir. Ils sont dénoncés par un poète tchèque comme membres importants de la Résistance . La Gestapo les soupçonne d’appartenir à l’Intelligence Service et offre une forte somme d’argent pour aider à leur capture. Manuel Viola, interrogé sur eux puis relâché, parvient à les prévenir du danger. Ils décident de rejoindre la Côte d’Azur et traversent la ligne de démarcation grâce à des amis résistants.

Installés à Nice, Christine Boumeester et Henri Goetz vivent alors dans le plus terrible dénuement, contraints de consommer de la nourriture pour animaux et de confectionner de faux tickets de rationnement. Ils rencontrent Nicolas de Staël et sa compagne, peintre également, Jeanine Guillou, qui deviennent leurs meilleurs amis. Pour de Staël, l’épisode est primordial. Dans « Le Prince foudroyé », L. Greilsamer écrit : « Sous la double influence de Magnelli et de son ami Henri Goetz, il fait disparaître le sujet sous l’impact de la forme ». Cette amitié fera long feu . Du fait de leur situation clandestine, ils doivent quitter Nice pour Cannes où Francis Picabia leur offre l’hospitalité chez lui, aux Orangers. Henri Goetz n’oubliera jamais cette main tendue.

 Almanach corrigé en 1941. 21 x 26 cm

La fin de la guerre est également pour Goetz l’occasion d’une rupture, essentielle mais sans heurts, dans son travail. Les formes morphologiques dont il peuplait ses « paysages » se transforment progressivement en éléments de plus en plus éloignés de cette réalité de l’inconscient chère à Breton. Influencé par Christine, dont la peinture abstraite est déjà très accomplie, il se détourne du surréalisme et surtout d’ailleurs des surréalistes. A l’exception notable d’Eluard qui lui commande, en bibliophile passionné, des illustrations à l’aquarelle pour un volume du « Cornet à Dés » de Max Jacob, et qui intervient pour que ses dernières œuvres soient reproduites dans les Cahiers d’Art. Breton et Goetz se croisent à la sortie d’un cinéma. Ne sachant plus bien que se dire, ne se souvenant plus s’ils sont ou non fâchés, ils se quittent embarassés.

Difficile d’imaginer aujourd’hui le rôle central tenu par Goetz dans le Paris artistique recomposé d’après-guerre. Son âge, entre deux-eaux, et son expérience le désignaient pour être un pivôt de ce petit milieu en quête de repères. Ses réseaux étaient d’une rare densité, puisant à des sources très variées : surréalistes convaincus ou émancipés, abstraits, compagnons de galère des années noires. C’est ainsi que lui est confiée l’animation, à la Radio-Diffusion-Française, de la première émission régulière consacrée en France à la peinture. Il organise, selon ses propres choix, des visites des ateliers de Picasso, Braque, Brancusi, Picabia, Gonzalez ou encore Max Ernst. Seul Hartung lui est refusé, car trop peu connu. Apprenant les qualités de technicien de Goetz, la veuve de Kandinsky lui demande de corriger les dommages subis par les toiles de son mari pendant l’Occupation .

Fort de ses contacts, Goetz est flatté de faire le lien entre plusieurs générations d’artistes, de renouveler le geste qu’avait eu pour lui Victor Bauer dans les années trente. Ainsi, lorsque Francis Bott lui présente « un grand jeune homme de Montpellier » dont il apprécie immédiatement la peinture, il cherche à l’épauler et a la bonne idée de le mettre en relation avec Hartung. On mesure rétrospectivement l’importance de cette rencontre dans le parcours de Pierre Soulages. En 1945 paraît « Explorations », album rassemblant dix lithographies de Goetz illustrées par autant de poèmes de Picabia. Inquiétante mise en abîme. Chaque lithographie est une plongée dans un détail a priori anodin de la précédente. Elle pénètre un point de l’espace pour en dégager sa complexité souterraine, pour découvrir sa chair profonde, sa moëlle infinie et silencieuse. Parallèlement, chaque poème donne sa majesté au dernier mot du précédent. Goetz avait réalisé cette série pendant la guerre grace à Bonnard, qui habitait Le Cannet et à qui il avait révélé sa véritable identité. Celui-ci, d’un geste symbolique, avait coupé en deux ses crayons et y avait ajouté du papier report. Exposé en 1946 à la Galerie Breteau à Paris, « Explorations » attire l’attention du jeune Alain Resnais, séduit sans doute par le caractère cinématographique du procédé. Il prend contact avec Goetz et, en 1947, le filme en train de peindre « Hélice Chagrinée » (toile achetée par l’Etat aujourd’hui déposée au Musée Goetz-Boumesteer de Villefranche-sur-Mer). Tourné en 16 mm, « Portrait de Henri Goetz / Histoire d’un tableau » est l’un des premiers films consacré à un artiste contemporain .

“Paysage surréaliste”, huile sur panneau, 28,5 x 40 cm, 1943

L’enseignement tint, à partir de 1949, une place prépondérante dans la vie de Goetz. Il débute à l’Académie Ranson, avant de passer cinq ans à la Grande Chaumière où il avait été élève deux décennies plus tôt. Surtout, il fonde en 1965 sa propre académie dans les locaux de celle tenue auparavant par André Lhote. Et y enseigne jusqu’en 1984. En parallèle, il dirige des cours de peinture et gravure à l’Université de Vincennes . Bon pédagogue, Goetz l’était aussi et malgré tout du fait de ses incomparables connaissances techniques. Maîtrisant les plus subtiles ficelles des procédés hérités du passé, il en inventait sans cesse de nouvelles, par goût plus que par nécessité . On doit à Alexandre Galpérine la plus belle description de l’artiste oscillant entre scientifique et alchimiste : « Monacal, Goetz fouille comme un bénédictin dans les bibliothèques, dans les bocaux de savantes pharmacies. Sa palette recueille successivement le fruit de techniques oubliées ou inventées : tempéra à l’œuf, à la caséine, à la cire, pastel. Il fabrique des glacis précieux et compliqués, utilise des procédés désuets : pointe d’or, pointe d’argent, gomme de cerisier…

Il épuise en gravure toutes les techniques existantes et invente en fin de compte un procédé à lui : la gravure au carborundum ». Le pastel et la gravure furent ses champs d’expérimentation favoris. Pour le premier, il mit au point, dès 1952, un fixatif qu’il ne cessa d’améliorer par la suite. Ayant entrepris la rédaction d’une somme sur le sujet, il fut dépassé par l’ampleur de la tâche et se contenta de publier une série d’articles dans des revues d’art. La question de la gravure dans l’œuvre de Goetz est quant à elle si vaste qu’il semble dérisoire de l’évoquer en quelques lignes . Contentons-nous de rappeler que son invention de la gravure au carborundum, ou procédé Goetz, qui confère une luminosité et une vibration des couleurs jusqu’alors inconnues dans l’estampe, et l’écho du livre « La gravure au Carborundum par Henri Goetz », édité en 1969 par la galerie Maeght (réédité et augmenté en 1974) et préfacé par Joan Miro, l’ont rendu célèbre dans le monde entier en tant que graveur. La découverte de l’abstraction et l’exploration de ses possibilités constituent à coup sûr la plus grande épopée de Goetz. Il y consacre plus de quarante ans, met à son service l’intégralité de ses efforts. C’est en tant que peintre abstrait qu’il reste dans les mémoires, c’est à ce travail que se consacrent les études le concernant. On décèle pourtant que son rapport à l’abstraction est ambigü. Qu’il n’est pas naturel et évident, à l’image de ceux d’un Hartung ou d’une Boumeester. Goetz s’est servi du vocabulaire de l’abstraction, en artiste de son temps, comme d’autres avaient autrefois utilisé et parfois détourné celui de la religion. Le français n’était pas sa langue maternelle, et c’est pourtant à travers lui qu’il a choisi de s’exprimer et d’écrire. Handicap qui crée un ton incongru mais inimitable. De même je pense que l’abstraction n’était pas la langue maternelle de Goetz . Pas à pas, il l’a apprivoisée puis maîtrisée. Mais toujours en se méfiant, en l’interrogeant, en gardant sur elle un œil attentif et suspicieux. Une distance qui lui a permis d’éviter les pièges d’une abstraction devenue académique, telle que l’époque en fournit de multiples exemples.

 Henri Goetz à la Grande Chaumière, 1958

Le travail de Goetz a toujours évolué lentement. Sans rupture immédiate. Sans révolution ni révélation à l’ombre d’un chevalet. 1960 est pourtant considérée comme l’année charnière de son parcours non-figuratif. Sa première abstraction, de 1947 à 1960, peut être qualifiée de gestuelle ou engagée. Il adopte alors un langage formel tout à fait comparable à celui de ses contemporains. Hartung, Soulages, Schneider ou Poliakoff. L’artiste avance démasqué. On perçoit les mouvements de sa main, on voit l’homme à travers la toile. Une peinture gestuelle et frontale . Violente. Son effort se concentre sur la matière et les tonalités, non sur la recréation d’un univers crédible. Au fil du temps, ses toiles s’apaisent, deviennent plus colorées et joyeuses. Goetz glisse vers un travail en accord avec ses nouvelles préoccupations. Le combat se dilue dans la contemplation méditative du monde. Un jour de 1960, Goetz peint par hasard un tableau dans un champ. Il ne cherche pas à parodier ni à copier le paysage qui s’offre à lui. Simplement le plaisir du plein-air. Il constate pourtant, de retour à l’atelier, qu’il existe un rapport diffus entre ce qu’il a peint et ce qu’il avait sous les yeux. Peintre abstrait, Goetz travaille sur le motif. Jusqu’en 1973, année pendant laquelle il décide de revenir à une peinture d’atelier, il se déplace beaucoup pour trouver des atmosphères propices. La Bretagne, la Normandie, la vallée de la Seine, la Corse, le Midi, l’Italie ou les Pays-Bas nourrissent ses tableaux. Ses formes ont perdu toute rigidité, assouplies par un artiste qui procède désormais par touches plus légères. Elles gagnent leur indépendance, se détachent les unes des autres, ne sont plus unies par une ligne triomphante. En choisissant cette voie lyrique, il faut admettre que Goetz se détourne irrémédiablement de l’actualité de l’art. La mort de Christine en 1971 ne va faire qu’accélérer un processus d’isolement depuis longtemps amorçé.

La dernière période de Goetz a ses adeptes qui la préfèrent à toute autre. On ne peut leur donner tort. S’il est vrai qu’elle se révèle plus inégale que les précédentes – l’absence du tamis que représentait le regard critique de Christine n’y est pas étranger – , elle offre des papiers et toiles parmi les plus réussis et les plus personnels de sa carrière. Avec un souci d’inventer et de ne pas s’auto-caricaturer qui le distingue de nombre de ses contemporains, gâteux ou cyniques, qui ont répandu dans leur vieillesse un flot d’œuvres indignes de leur souffle passé. L’orgie de couleurs, parfois vives et saturées, parfois douces et nuancées, harmonieuses ou écoeurantes, hasardeuses ou étudiées, tantôt spectaculaires, tantôt discrètes, témoigne d’une joie rafraîchissante de peindre . L’un des derniers défis de Goetz est de faire connaître après sa mort l’œuvre de Christine. Il rachète ses toiles, organise des expositions, aide à la publication d’ouvrages sur elle qu’il préface parfois, comme celui du Cercle d’Art en 1988. Ayant retrouvé des notes éparses écrites par elle en secret, il les rassemble et les fait éditer sous le titre « Les cahiers de Christine Boumeester ». On peut y lire cette définition d’elle-même : « Née au soleil, aimant vivre à l’ombre ». Durant les années quatre-vingt, Goetz écrit d’ailleurs beaucoup. En particulier de très courtes histoires, proches de contes moraux et de fables surréalistes, dont certaines furent publiées en 2001 . Surtout il s’attelle à la rédaction de ses mémoires. Dans le petit appartement de Villefranche-sur-Mer acheté en 1963 avec Christine, face aux reflets éblouissants de la baie, il convoque des centaines de personnages illustres et oubliés, les pierres du vieux Montparnasse, les tuiles de la guerre, les souvenirs d’un artiste et les regrets d’un homme. Cinquante années de rencontres défilent dans ce livre qui aurait dû s’appeler « Mes amis, ma vie » tant les autres que lui-même y tiennent la vedette. Il décide également de payer ce qu’il estime être sa dette envers la France. En 1981, il donne au Centre Pompidou plus de cinquante œuvres.

Non seulement de sa main et de celle de Christine, mais aussi de Gonzalez, Hartung, Picabia, Miro, Ubac, Nouveau, Tanguy, Domela et Picasso. Enfin, il travaille à la création du Musée Goetz-Boumeester de Villefranche-sur-Mer. Celui-ci est inauguré en 1983 dans la vieille Citadelle. Un musée tellement attachant, qui résume à lui seul les ambiguïtés et les contradictions de celui qui l’a imaginé. Trop ambitieux et trop modeste, secret et précieux.

Le 12 août 1989, atteint par une maladie qui l’empêche de peindre, cloîtré dans une clinique de Nice, Goetz se lève et enfile ses plus beaux habits. Impensable de mourir en pyjama. Il parvient à ouvrir la fenêtre de sa chambre et se précipite dans cet espace flottant qui l’avait inspiré si souvent.

Henri Goetz et Christine Boumeester

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